les paris de mireille

Miroir du passé

Et puis, tout à coup je songe à cet homme revu hier soir, après 40 ans d’absence. Je suis dans ma salle de bains, je me lave les mains. Je repense à ce monstre froid si différent de celui que j’avais aimé autrefois et gardé au fond de moi comme un joyau. Une belle relation... avec un goût d’inachevé. Cet être doux, gentil et protecteur l’était-il vraiment ? La vie l’avait-elle sculpté autrement ? Le naturel l’avait-il emporté, avec l’âge, vers la perversité, le cynisme, le mépris de l’autre, l’absence de morale ? Qui était-il cet enfant de vingt ans dont j’avais gardé le souvenir ? Beau comme un dieu sorti de l’Atlantide, grand, mince, brun, le teint mat, des yeux immenses, couleur turquoise. Qui était-il cet homme encore non construit qui parlait d’une voix suave ? Qu’en avait fait la vie ? Et lui, qu’avait-il fait de la sienne ?

Triste ou en colère je ne sais, mais avec un goût amer dans la bouche, je tire mon petit miroir de mon sac, celui que j’aime particulièrement et dont le couvercle laqué est la reproduction d’une femme peinte par Renoir. Il est joli, précieux, il m’accompagne depuis des années. Il fait partie de moi, des choses dont jamais je ne me sépare. Il me tombe méchamment des mains et s’écrase par terre, fermé. Avant de le rouvrir, je l’espère intact et protégé par sa fermeture, je tremble. Je l’ouvre. Une des faces du miroir s’est craquelée, nervurée en retraçant la majuscule de son prénom A. J’y vois un signe. A est brisé. Il s’est brisé. Ce n’est pas moi qui l’ai brisé. Il s'est brisé jusqu’à effacer le beau souvenir que j’avais gardé de lui. C’est ainsi …et la vie nous réserve décidément de bien curieuses surprises.

                                                                                                                                                

Paris le 11 août 2009

 

                       

La solitude

LA SOLITUDE :  UNE HISTOIRE INTERIEURE FORTE ?

 

En rupture avec les contraintes de cette société qui considère la solitude comme un malheur et limite la vie à « l’être ensemble » à la rencontre ou à la confrontation de soi avec l’autre. Dans cette société qui pousse au narcissisme, la solitude est mal vécue. Elle renvoie l’individu à lui même, à sa richesse intérieure et non à l’orgueil de vouloir se mesurer sans cesse avec ses semblables. Or rien n’est plus constructif et plus positif que la solitude bien vécue car elle nous met en relation avec les profondeurs de notre âme. C’est dans la solitude que nous sommes reliés avec l’univers, avec la création, avec l’Amour universel et avec notre vie intérieure…la seule qui nous appartienne vraiment, la seule qui soit inaliénable …par aucun dogme, aucune religion, aucune contrainte sociale ou humaine. C’est grâce à notre vie intérieure que nous accédons à l’art, à la mystique, à la beauté, à l’amour et au divin. La solitude n’est aucunement source de tristesse mais source de joie et de partage avec les autres et avec le monde. Elle est créatrice en ce sens qu’elle gomme l’ego et oblige l’individu à s’effacer pour se laisser pénétrer par toutes sortes de sensations qu’il ne peut atteindre quand il est avec les autres. La solitude est riche d’enseignements et de découvertes inatteignables : humer l’odeur des plantes, entendre le chant des oiseaux, admirer un paysage, un ciel splendide, s’émerveiller devant une création de la nature ou de l’homme. La solitude nous entraîne dans les profondeurs de notre âme en nous propulsant dans ce que nous avons d’unique et de singulier. Elle est mal vécue dans notre société qui se nourrit de l’accolement des individus comme emboîtés les uns aux autres. En nous replongeant dans notre nudité originelle elle nous fait pourtant accéder à la vraie liberté, à l’ouverture et à l’élévation. Elle est la source de toute pensée, de toute création artistique, de toute réflexion philosophique ou métaphysique et c’est pourquoi elle est dévalorisée car non productive et non rentable dans notre univers consumériste …La solitude puisque nous sommes seuls de la naissance à la mort est le seul lieu où chaque être peut retrouver sa liberté originelle, le seul lieu où il peut échapper à toute forme de manipulation. C’est le jardin secret pour les uns, la liberté de penser, de croire, de créer, de partager, d’aimer, de faire corps avec l’univers. La société ne défend pas la solitude elle y pousse les êtres malgré eux et de manière négative car ce qui est préconisé c’est que dans cette vie il faut absolument faire couple …pourtant  l’essentiel n’est pas de faire couple mais d’aimer et apprendre à aimer les autres dans la liberté                                                                           été 2006                                                                                                                                                                                                             

La nuit

La nuit est une dame aux multiples visages. Mère, épouse, amante, sorcière, folle ou sage, silencieuse ou bavarde, chaque soir elle sort de son antre entre chien et loup pour entamer sa ronde endiablée. Telle une funambule elle passe de fenêtre en fenêtre car elle danse sa vie sur le rebord des toits. La lune est sa plus fidèle compagne et elle disparait aux premières lueurs du jour. Les ténèbres sont sa demeure et la moindre étincelle de lumière l’a fait s’enfuir. Elle règne sur le monde de l’imaginaire. Ensorceleuse elle s’empare des rêves les plus fous de ceux qu’elle maintient sous sa coupe. Elle s’immisce dans les projets des uns, suscite les désirs des autres, s’infiltre dans les profondeurs de l’âme. Elle abolit le temps. Avec elle ni passé ni présent ni futur mais une sorte de temps cosmique qui prend des allures d’éternité. Tentatrice et cruelle, elle se joue des tourments des petits et des grands. Mystérieuse, invisible et sauvage elle se fait messagère de frayeurs indicibles propulsant ses proies jusque dans les abimes. Mais quand elle revêt son bel habit de lumière elle devient cette mère douce et aimante qui de sa voix tendre et mélodieuse berce son enfant pour qu’il s’endorme. Alors, elle lui murmure à l’oreille qu’elle est aussi promesse de paix, de joie et d’espérance.

  le 26 mai 2009

Le temps qui passe

Jusqu’à ces années dernières j’avais le temps, je me croyais éternelle. Le temps était extensible. Je ne prenais jamais le temps de penser aux autres, ni de leur accorder du temps. J’avais tout mon temps et j’attendais encore de construire ma vraie vie et puis…. brutalement un jour, le temps s’est rétracté, accéléré. J’ai compris que ma vie était désormais derrière moi après avoir renoué avec la part mortelle de mon être. J’ai tout à coup réalisé que le temps était limité. Avec ce retour à la vraie nature de l'Etre, le rejet de la mort s'est imposé à moi comme une évidence et la peur de mourir s’est évanouie. J’ai su alors que la vie n’était qu’un passage et qu’il y avait, sans nul doute, une suite à l’histoire. L’éternité peut être ?... la continuation sans doute. Je partis alors à la découverte du long chemin que poursuivent nos âmes. Peu à peu, j’ai commencé à prendre le temps de penser aux autres. D'abord à ceux que j’aime, puis à ceux qui m’avaient fait du mal, à ceux qui m’avaient abandonné en route, à ceux qui aujourd’hui encore s’agitent, courent sans cesse, sont débordés à ….tous ces pauvres êtres empêtrés dans leur matérialité….et…. plus je les regarde... plus je les aime. Quand on est jeune on a tout le temps devant soi, on ne sait pas le prendre, il nous tombe des mains. Quand on vieillit on sait que le temps est compté, on apprend à l’apprivoiser, à le prendre pour le faire vivre en nous, lui donner toute son ampleur et toute sa place. Pourtant…. qui mieux que nous, pauvres êtres vieillissants, pour avoir conscience que le temps, ce temps de vie, de la vie sur terre, nous est réellement compté ?

un adulte c'est quoi ?

C’est quelqu’un qui a appris à durer et à endurer mais qui ne se console pas du fait que ses enfants devront l’apprendre à leur tour. Durer ? c’est être dans le temps, dans la vie, c’est avoir un passé qui augmente et de moins en moins d’avenir. C’est porter son présent à bout de bras, au lieu d’être porté, c’est aussi porter sa mort …c’est mûrir si on le peut ….c’est vieillir puisqu’il le faut.

C’est vivre encore, se battre encore, agir encore, aimer encore. C’est surmonter la fatigue, les souffrances physiques, l’ennui, le dégoût des hommes et de l’humanité, le désespoir, l’effroi, l’horreur et admettre ce qu’il nous aura fallu de courage pour en arriver là.

L’enfance est derrière nous et l’adulte n’a pour tout avenir personnel que le vieillard ou le néant mais il ne s’en préoccupe pas car il y a plus urgent, plus important. Il y a le présent qui passe et le réel qui résiste….La réalité immuable de la comédie humaine, la réalité cruelle de la condition humaine, il y a la vie qui continue, le combat, les enfants qui font des enfants et qui recommencent à emprunter le même chemin que soi. Cela est le plus dur à admettre et à assumer. Ce sentiment de n’avoir rien légué qui évite les souffrances qu’on a soi même vécues.

Juillet 2004

Paris réel ...Paris imaginaire

Je ne savais pas en allant voir le film "Paris" sorti récemment que j'allais me retrouver dans un certain regard ...celui porté par le cinéaste Cédric Klapisch sur  la ville de Paris. Ce n'est sans doute pas un hasard si ses personnages ont leurs racines de vies profondément ancrées dans ce Paris là. Pas un hasard non plus si Klapisch a pris un tel plaisir à  les filmer dans des espaces et quartiers légendaires : le Palais royal, le jardin du Luxembourg, la Tour Eiffel, Montmartre, la Sorbonne, les troquets et même les halles de Rungis. L'immersion dans Paris de tous les personnages est bien tangible et pour notre plus grand bonheur car.... leurs histoires de vies, en soi insignifiantes, prennent corps avec tous ces lieux historiques, mythiques, célèbres ou anonymes qui défilent sous nos yeux. C'est là où ils habitent, se déplacent, travaillent, s'arrêtent, mangent, boivent, dorment, s'aiment, se séparent, s'évitent, rient, dansent, pleurent, souffrent et meurent parfois.....brutalement. Leurs histoires de vies croisées, si singulières, leurs succès, leurs ratages, leurs rencontres, leurs rendez-vous manqués, leurs absences prennent sens à travers le Paris d'en bas mais aussi celui d'en haut. Le Paris populaire des moins riches, celui des jeunes et des étudiants, le Paris des petits appartements sous les toits... justement là d'où le héros principal du film observe de sa fenêtre tout un monde réel ou improbable. Beau, très beau ....car à travers la trame d'un film profondément humain s'en tisse une autre ... celle d'un Paris que nous connaissons bien et que nous aimons.