"Le palais royal est une petite ville de province dans Paris. Tout le monde s'y connaît et s'y parle. Le soir on ferme les grilles à pointe d'or et nous sommes chez nous" écrivait Jean Cocteau
Le Palais Royal fut successivement une demeure royale sous Louis XIII, Louis XIV, la Régence puis un haut lieu de commerce, de débauche et d'agitation populaire pendant la révolution. De tout temps il fut fréquenté par les élites politiques et intellectuelles. En 1789 des orateurs comme Camille Desmoulins y haranguèrent la foule et c'est de là que partit l'insurrection qui précéda la prise de la Bastille. Au 19 ème siècle de nombreux écrivains fréquentèrent ses cafés et anciens salons. Au 20 ème siècle quelques uns y ont vécu marquant leur empreinte. En 1953, la romancière Colette, alors au sommet de sa gloire, s'y installe dans un appartement près du passage du Perron, au dessus de la galerie de Beaujolais. Elle y vit, à deux pas du restaurant le Vefour, ancien salon privé du 18 ème siècle qui fut, à partir de 1820, le lieu de réunion des écrivains romantiques fréquenté aussi par Balzac et Victor Hugo. Voisine de Cocteau, Colette y a donc passé ses dernières années, recluse et paralysée. Dès lors, elle ne quittera plus des yeux les jardins du Palais Royal avant de les fermer définitivement pour rejoindre son ultime demeure au Père Lachaise. Certains, et non des moindres, y vivent encore aujourd'hui, ainsi Jean d'Ormesson ....qui partage son temps entre Venise et le Palais Royal. Quel refuge protecteur et paisible, assurément propice à l'inspiration!! Mais après les années 60, le Palais Royal s'est assoupi et refermé sur lui même. Depuis cette période, se promener dans les galeries du Palais Royal relevait de la "démarche historique". L'actualité vibrante et bruyante de notre société de communication n'y pénétrait aucunement. La vie s'arrêtait aux grilles du jardin et ce lieu paraissait endormi, figé, délaissé, tourné vers son passé. Les rares boutiques vieillottes, encore ouvertes, signifiaient par leurs enseignes, des métiers ou commerces disparus : graveurs, héraldistes, numismates, vendeurs de livres anciens, d'autographes, de manuscrits, de porcelaines des manufactures royales, de tapisseries au point, de tapisseries de style, de filatures et tissages de Mazamet. Tout y était d'un goût parfaitement suranné ce qui rendait l'ensemble un peu triste et austère. Depuis deux ans à peine, le Palais Royal a fait peau neuve sans pour autant renier son passé. Désormais on chemine pour notre plus grand plaisir entre quelques vieilles enseignes et commerces d'antiquités, des boutiques de prêt à porter de luxe et des galeries d'art contemporain. On y trouve côte à côte les modes vintage, les collections de robes du soir œuvres de grands couturiers parisiens, les bijoux et objets de créateurs et designers ultra branchés. Et puis...cette superbe boutique aux tons violets et parme d'un grand parfumeur qui a su recréer dans les murs la magie de ses fragrances toutes orientales . Des salons de thé et des restaurants ont ouvert leurs portes sur les vestiges d'anciens cafés célèbres.... Que ce soit le Corraza, fréquenté pendant la Terreur par les Robespierristes puis ensuite par ceux qui complotèrent pour le renverser...Que ce soit le "café du théâtre", au bout de la galerie Montpensier et les affiches des anciennes pièces à succès jouées au théâtre du Palais Royal, situé dans une petite rue à l'arrière. En avant des grilles aux pointes d'or qui délimitent l'ensemble, le Palais Royal s'ouvre sur la ville comme une offrande.... avec la célèbre Comédie Française, l'ancien théâtre de Molière. En lieu et place des anciens appartements royaux est abrité le ministère de la culture. Peut on espérer meilleur hommage rendu aux lieux ? Depuis 1985 avec Buren et ses célèbres colonnes grises et blanches à l'image des stores qui encadrent les fenêtres du Palais Royal, avec Pol Bury et ses fontaines à globes flottants sur l'eau, on entre dans le monde contemporain. La cour d'entrée préfigure cette volonté de juxtaposition, parfois surprenante, d'un passé rigide et sévère et d'un présent qui déconstruit et bouscule toutes les conventions.
écrit le 23 septembre 2008
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